
Dans l’arène politique ivoirienne où les lignes bougent au rythme des ambitions, Jean-Yves Esso incarne le stratège insaisissable. Pilier de l’opposition en tant qu’inspecteur au PDCI et président de l’Alliance pour Tidjane Thiam, il crée la stupeur le 8 avril 2025 en annonçant son ralliement au RHDP. Un revirement mûrement réfléchi qui alimente toujours les débats à Abidjan. 80 jours plus tard, il dévoile sa propre artillerie : l’Armée du Net (ADN), lancée officiellement ce 19 juin 2025 – un timing ultra-serré à 88 heures du Congrès Ordinaire du RHDP. Dans cette interview exclusive, il lève toute équivoque sur son parcours et sa vision politique. Interview…
RHDP 24 : Bonjour Monsieur Jean-Yves Esso. Merci d’avoir accepté notre invitation.
Jean-Yves Esso : Bonjour. C’est un plaisir.
RHDP 24 : De fervent soutien de Tidjane Thiam, président du PDCI, vous devenez cadre RHDP en un temps record. Comment expliquez-vous cette évolution idéologique ?
JYE : Tout simplement, cela ne s’est pas fait en un temps record comme vous le dites. J’ai passé toute une vie au PDCI. J’ai été thiamiste de la première heure pendant pratiquement deux ans, sinon plus. Ce ralliement ne s’est donc pas fait du jour au lendemain. En politique, il faut savoir lire entre les lignes et anticiper. Quand on anticipe, on fait des choix. J’ai mené une grande réflexion sur l’évolution de l’opposition, particulièrement du PDCI-RDA. J’ai estimé que ce parti devait se définir clairement : est-il un parti d’opposition ou un parti houphouëtiste en désaccord momentané avec son partenaire du RDR au sein du RHDP ?
À l’issue de cette réflexion, j’ai conclu que nous faisions fausse route. En tant que personne connue pour ne pas avoir ma langue dans ma poche, j’ai expliqué clairement aux responsables du parti que – selon moi et beaucoup de mes soutiens – nous devions nous tourner vers le RHDP pour réparer ensemble les plaies et les erreurs passées, plutôt que de patauger dans une opposition incertaine, à hésiter entre des alliances avec Laurent Gbagbo, Blé Goudé ou Simone Gbagbo. Il fallait affirmer que nous ne sommes pas des opposants. N’ayant pas été écouté, et voyant le PDCI s’enfoncer, j’ai préféré prendre les devants, comme un soldat en sacrifice. Une fois dans ce parti houphouëtiste qu’est le RHDP, mon rôle est de créer une passerelle pour ramener chacun à la raison et permettre à tous de regagner leur famille politique, plutôt que d’errer sans but dans une opposition incontrôlable.
RHDP 24 : Vous avez déclaré que votre adhésion au RHDP n’était “ni rupture, ni reniement” de vos engagements passés. Comment conciliez-vous cela avec vos critiques antérieures envers la majorité présidentielle ?
JYE : En politique, on peut apprécier des personnes tout en relevant des erreurs. Le président Ouattara n’est pas exempt de reproches, mais c’est l’un des seuls présidents, après le père de la nation, à avoir reconstruit la Côte d’Ivoire. Quand on reconstruit, il reste des séquelles à réparer. Lorsque j’étais au PDCI, mon rôle d’opposant était de déceler les anomalies et de les mettre en lumière. J’ai fait ce travail correctement. Mais aujourd’hui, en tant que houphouëtiste revenu dans ma famille, mon rôle est désormais de mettre en lumière tout ce qui a été accompli. Ce travail est d’ailleurs plus simple : tant de réalisations ont eu lieu depuis 2010 que nous sommes à l’aise pour en parler.
RHDP 24 : Parlons de l’Armée du Net (ADN), lancée aujourd’hui. Ce mouvement citoyen pro-RHDP répond-il à un vide politique ?
JYE : Nous constatons que le numérique n’est pas maîtrisé, même au PDCI ou au PPA-CI. Cet espace est livré à tout et n’importe quoi : insultes, fake news, amalgames… Dès qu’une rumeur est lancée, beaucoup pensent qu’il n’y a pas de fumée sans feu. C’est une jungle. Ce secteur doit être débroussaillé. Je joue donc le rôle de “faucheur” pour nettoyer cette plantation numérique. Pour cela, je dois mobiliser la jeunesse ivoirienne – car tous les jeunes ont un smartphone, mais peu regardent la télévision ou les journaux. Comment leur parler ? Par les réseaux sociaux. L’ADN structure cette masse numérique. Nous formons les jeunes à disposer d’éléments de langage percutants, pertinents et argumentés pour contrer la désinformation ou promouvoir les réalisations du Président Ouattara – sans insultes ni vilipendages. Nous irons aussi sur le terrain : par exemple, à Dabou (ma région), nous montrerons par des photos et micro-trottoirs comment les routes ont réduit le trajet de 1h30 à 30 minutes. Nous interrogerons les Ivoiriens : “Préférez-vous le carrefour d’Adjamé Liberté actuel ou le désordre d’avant ?”. L’ADN diffusera ces témoignages pour que chaque jeune, sur son téléphone, voie les réalisations du président.
RHDP 24 : Quelles sont les priorités opérationnelles de l’ADN ?
JYE : Notre feuille de route comprend :
1. Les fondations : statuts, règlement intérieur (finalisés ce 19 juin).
2. Création des plateformes : sites web et espaces d’échange.
3. Déploiement national et diaspora : cellules ADN dans les 31 régions et à l’étranger.
4. Formation aux éléments de langage et actions numériques ciblées.
5. Préparation de l’élection présidentielle et audits internes en décembre pour les législatives de 2026.
RHDP 24 : À 72h du congrès du RHDP, comment l’ADN mobilisera-t-elle sa base ?
JYE : Cette assemblée générale, tenue 48h avant le congrès, permet d’officialiser notre existence. Ce soir, nous débrieferons pour organiser notre participation. Nous mobiliserons les jeunes de l’ADN pour qu’ils prennent pleinement part à ce congrès historique.
RHDP 24 : En prélude à la présidentielle, quel message aux jeunes souvent tentés par la violence ?
JYE : Aux jeunes, je dis : en politique, on peut agir par émotion/passion ou par raison. Demandez-vous : l’émotion vous a-t-elle apporté quelque chose ? Si non, tournez-vous vers la raison. La Côte d’Ivoire est en paix, sécurisée. Certes, vous pouvez aimer Gbagbo, Tidjane Thiam ou Simone Gbagbo. Mais posez-vous la question : avec eux, le pays continuera-t-il à se développer ? Le président Ouattara a-t-il transformé la Côte d’Ivoire en 15 ans ? Si oui, rejoignez l’équipe gagnante. Aujourd’hui, la personne la mieux placée pour poursuivre ce travail est Alassane Ouattara lui-même. Accompagnez-le pour qu’en 2030 ou 2040, ce soit vous qui dirigiez le pays. Nous ne sommes plus dans un match de revanche (“J’ai perdu en 2010, je gagnerai en 2025”). Pensons projet et avenir : structurez votre vie, montez des projets, financez-vous – le président Ouattara le permet. Prenez-vous au sérieux. Je vous remercie.
Interview réalisée par Thierry Adama











