La déclaration de candidature d’Ahoua Don Mello à l’élection présidentielle de 2025 ne relève ni de la spontanéité, ni de la rupture brutale. Elle s’inscrit dans une dramaturgie politique soigneusement maîtrisée, où se joue le paradoxe d’un départ sans fracas, d’une dissidence en habits de fidélité.

En affirmant que sa décision est « mûrement réfléchie » et déjà prise, tout en exprimant l’espoir d’un « dernier sursaut » de dialogue avec son mentor Laurent Gbagbo, Don Mello tisse un récit complexe, chargé de symboles et de calculs.

Une parole entre rupture douce et fidélité suspendue

Ce balancement entre affirmation et attente n’est pas une contradiction : il constitue le cœur même de sa stratégie. En politique, tout acte d’émancipation nécessite d’abord un consentement tacite ou symbolique du chef.

Faute d’en recevoir l’autorisation, Don Mello fabrique une légitimation parallèle, plus douce, qui ne nie pas le mentor , mais s’en éloigne avec élégance. Le « sursaut » évoqué n’est donc pas l’aveu d’un doute, mais l’invocation d’une clause de sauvegarde émotionnelle. En cas de silence ou de refus, la posture restera noble, le geste, loyal.

Deux chemins, un même élan irrésistible.
S’il reçoit l’aval de Gbagbo, Don Mello incarne naturellement la continuité idéologique du PPA-CI, tout en s’en distinguant par une ambition de rassemblement plus vaste de la gauche. Il endosse l’héritage sans en forcer la transmission.
Mais s’il est rejeté comme en témoigne déjà l’éviction de certains de ses soutiens, il aura posé les jalons d’une légitimité alternative, fondée sur le dépassement du clan. Ainsi, dans les deux cas, il sort renforcé : soit comme candidat de l’estampille, soit comme figure de refondation.

Une dialectique de l’émancipation contrôlée

Cette dialectique subtile entre allégeance et autonomie est au fondement de sa stratégie : ni traître, ni suiveur, mais médiateur d’un passage.

Don Mello comprend que l’héritage gbagboïste n’est plus transmissible par décret. Il faut désormais le négocier, le déconstruire, puis le reconstruire dans une temporalité nouvelle. D’où ce langage mesuré , cette candidature enveloppée de précautions, mais portée par une ambition claire : incarner le tournant générationnel sans heurter la figure tutélaire.

Candidat d’aujourd’hui, héritier de demain

En définitive, cette déclaration n’est pas une simple annonce électorale. C’est un acte politique à double niveau, un discours derrière lequel se trame une reconfiguration silencieuse du paysage de l’opposition.

Au premier plan, on voit un homme qui s’engage avec gravité, revendiquant une décision « mûrement réfléchie », mûrie dans les silences du parti et dans les impasses de l’attente.
Il se positionne comme un recours lucide, face à l’inaction stratégique du PPA-CI.
Cet engagement n’a rien de l’improvisation. Il répond à un vide, à une crise d’anticipation, à une défaillance du commandement.

Mais en arrière-plan, se dessine une œuvre plus ambitieuse : celle d’un stratège qui redessine patiemment les lignes de loyauté, qui ne conteste pas frontalement l’autorité du fondateur, mais qui déplace discrètement le centre de gravité du pouvoir.

Don Mello joue sur deux tableaux : la légitimité historique et la nécessité d’un nouveau récit. Il prépare ce que d’autres n’osent nommer : la transition.

 

Kalilou Coulibaly, Doctorant EDBA, Ingénieur

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